jeudi 13 janvier 2000

COURS: LE PSORIASIS ET SON TRAITEMENT

LE PSORIASIS


I- DÉFINITION : Le psoriasis est une dermatose érythémato-squameuse chronique associant une inflammation cutanée et une prolifération importante de cellules épidermiques à différenciation anormale. C'est une maladie héréditaire, révélée et aggravée par les facteurs environnementaux.


II- DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
A-L'HÉRÉDITÉ: Le psoriasis est une maladie héréditaire à transmission autosomique avec 30% de cas familiaux. Il implique les antigènes HLA de classe I: CW6. 
B-LES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
1-Les infections bactériennes et virales: Surtout rhinopharyngées chez l'enfant avec un rôle éventuel du VIH dans le déclenchement ou l'aggravation du psoriasis. 
2-Les facteurs psychologiques: Souvent au 1er plan dans le déclenchement des poussées, incriminant les neuromédiateurs 
3-Certains médicaments: Notamment les Sels de lithium, les β bloquants. Les AINS, les antipaludéens de synthèse (APS), les IEC et les Tétracyclines ont un rôle plus discutable.


III- DIAGNOSTIC POSITIF – FORMES CLINIQUES
A-DIAGNOSTIC CLINIQUE:  
Type de description:

Le psoriasis classique  

L'examen dermatologique: Révèle 
~ La lésion élémentaire: C'est une tache érythémato-squameuse souvent arrondie, parfois en relief.
1- La couche squameuse superficielle est blanchâtre, terne et plus rarement nacrée. Les squames sont sèches, larges et épaisses réalisant au maximum l'aspect "d'une coquille d'huître. Le grattage méthodique à la curette objective d'abord un blanchiment net de la lésion; c'est le signe de la bougie, puis apparaissent de fines gouttelettes hémorragiques; c'est le signe de rosée sanglante.
2- La tache érythémateuse, souvent visible par transparence et à la périphérie des squames est bien limitée, rosée ou rouge vif et disparaissant à la vitropression. 
3-Le prurit, souvent absent, sinon modéré (⅓ des cas), parfois lié aux thérapeutiques externes mal-adaptées ou à un état psychologique particulier. 
~ La taille: Variable, soit en points; pointata, en goutte; goutata (psoriasis de l'enfant et l'adolescent, lié à une affection rhinopharyngée.), en tache de quelques cm de Ø; psoriasis nummulaire (en pièce de monnaie.) ou en plaque (larges surfaces.)  
~ Le nombre: Variable, soit isolé, soit le plus souvent multiple intéressant l'ensemble des téguments réalisant le psoriasis diffus ou parfois un psoriasis érythrodermique (rougeur généralisée.) 
~ La topographie: A un intérêt diagnostique. Le psoriasis vulgaire siége préférentiellement de façon symétrique au niveau des surfaces exposées au soleil et aux traumatismes, soit cuir chevelu, coudes, bord cubitaux des avant-bras, région lombo-sacrée, genoux et régions pré-tibiales. Le phénomène de Köbner désigne une éruption strictement limitée à une zone irritée ou traumatisée, soit cicatrice de vaccination ou de chirurgie, strie de grattage, tatouage, etc. 

B-DIAGNOSTIC PARACLINIQUE:  
Examen anat-path: Rarement utile au diagnostic. Il révèle l'association de lésions épidermiques et dermique:
1- La lésion épidermique est une:
hyperkératose avec:
parakératose (persistance anormale des noyaux des cellules cornées.) et:
agranulose (absence de couche granuleuse) avec:
kératinisation anormale, mise en évidence par les techniques immuno-histo-chimiques. Il existe également:
→ une hyperacanthose (épiderme épaissi) avec de nombreuses mitoses au niveau de toutes les couches de kératinocytes.
→ Des micro-abcès de Munro-Sabourraud fait de quelques polynucléaires sont rencontrés dans les lésions jeunes.
2- La lésion dermique est un infiltrat fait de polynucléaires, lymphocytes T CD4 activés mis en évidence par immunomarquage. Les papilles dermiques sont très allongées et renferment des capillaires tortueux. 

C-FORMES CLINIQUES
► Formes topographiques:
  1. Le psoriasis du cuir chevelu: Il peut réaliser 1 des lésions isolées, arrondies, bien limitées et couvertes de squames sèches n'engluant pas les cheveux, ou le plus souvent 2 des lésions d'allure séborrhéique, couvertes de squames grasses et pouvant atteindre la totalité du cuir chevelu, surtout la lisière antérieure; c'est le sébo-psoriasis.
  2. Le psoriasis du visage: Rare, réalise une dermite séborrhéique siégeant au niveau des ailes du nez, la région intersourcilière et la lisière du cuir chevelu voir de l'oreille au niveau des conques, conduit auditif externe et les plis sus- et rétroauriculaires. Il faut le différentier des dermites séborrhéiques.
  3. Le psoriasis des plis ou psoriasis inversé: La lésion siége au niveau du pli inter-fessier et la région ombilicale, plus rarement la région sous-mammaire et les creux poplités et axillaires. Elle réalise un aspect d'intertrigo chronique rouge vif bien limité et dépourvu de squames (macération.)
  4. Le psoriasis palmo-plantaire: Difficile à diagnostiquer, il peut réaliser 1 des taches érythémato-squameuses, 2 des clous ou cors psoriasiques, 3 une kératodermie psoriasique diffuse avec des bords érythémateux en périphérie ou 4 une pulpite sèche fissuraire.
  5. Le psoriasis unguéal: Très fréquent et rarement isolé. Il réalise souvent 1 l'aspect de l'ongle en dé à coudre (dépression ponctuée cupuliforme), et parfois 2 rugosité avec perte de transparence, 3 onycholyse à bordure saumonée (décollement de l'angle), 4 hyperkératose sous-unguéale ou 5 paronychie (inflammation de la sertissure des ongles.)
  6. Le psoriasis des muqueuses: Rare mais caractéristique, réalise des taches érythémateuses du gland et de la langue réalisant l'aspect de "langue plicaturée ou géographique".
Formes selon l'age:
  1. Le psoriasis du nourrisson ou psoriasis des langes: Rare, se présente comme une dermite de siège.
  2. Le psoriasis du grand enfant: Réalise un psoriasis en goutte, aigu et parfois régressif, souvent lié à une affection rhinopharyngée.
► Formes graves: Compliquent un psoriasis classique ou apparaissent d'emblée. De diagnostic délicat.

  1. Le psoriasis érythrodermique: Réalise des lésions érythémato-squameuses touchant tous les téguments avec risque de déshydratation, de surinfection et d'altération de l'état général nécessitant l'hospitalisation. Il faut savoir différentier une érythrodermie due à la généralisation du psoriasis de la lésion secondaire à un traitement (local ou général) mal-toléré réalisant une véritable toxidermie chez le psoriasique.
  2. Le psoriasis pustuleux: Rare, se traduit histologiquement par des pustules amicrobiennes spongiformes multiloculaires intra-épidermiques. Il faut distinguer:
    a. Le psoriasis pustuleux localisé palmo-plantaire: Réalise des pustules jaunâtres entraînant des troubles fonctionnels importants.
    b. Le psoriasis pustuleux généralisé de Zumbush: Réalise de larges décollements pustuleux superficiels du tronc, sur base érythémateuse, fébrile engageant le pronostic vital.


  3. Le psoriasis arthropathique: C'est un rhumatisme inflammatoire chronique, algique et déformant, voir ankylosant. De localisation périphérique avec mono ou oligoarthrites, voir polyarthrite, à différentier de la polyarthrite rhumatoïde par l'atteinte des inter-phalangiennes distales, l'absence de facteurs rhumatoïdes et l'évolution moins invalidante. L'atteinte peut être axiale, à différentier de la spondylarthrite ankylosante avec atteinte rachidienne et/ou sacro-iliaque.

    Le psoriasis et l'infection VIH: Le psoriasis est d'apparition et d'extension rapide. La composante séborrhéique est très inflammatoire, prurigineuse et résistante au traitement habituel.


    IV- DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
    Devant un psoriasis classique, éliminer:
    1/ Le pityriasis rosé de Gilbert: Associant des taches rosées finement squameuses à des médaillons (de plus grande
    surface), inaugurant souvent la maladie et siégeant au niveau du cou et poitrine et toujours limitées au tronc et racines des
    membres. Il régresse en 4 à 6 semaines.

    2/ Le pityriasis rubra-pilaire: Dermatose très rare, faite de placards psoriasiformes localisés aux coudes et genoux, couverts de papules cornées folliculaires caractéristiques associées à une hyperkératose palmo-plantaire. 
    3/ L'eczématide, notamment la dermite séborrhéique, localisée au visage et cuir chevelu avec des squames jaunâtres et grasses, très difficile à différencier d'un sébo-psoriasis en l'absence de lésions psoriasiques typiques à distance.
    ♦ Devant un psoriasis des plis, éliminer: Les intertrigos bactériens et mycosiques, par prélèvement et culture.
    ♦ Devant un psoriasis palmo-plantaire, éliminer: Les autres kératodermies acquises ou héréditaires.
    ♦ Devant un psoriasis érythrodermique, éliminer: Les hématodermies (érythrodermie médicamenteuse.)
    ♦ Devant un psoriasis pustuleux, éliminer: Les pustuloses surtout amicrobiennes.

    ♦ Devant un psoriasis arthropathique, éliminer: 1/ Une PAR et 2/ Une SPA.



    V- ÉVOLUTION – PRONOSTIC : L'évolution est souvent chronique, le psoriasis début à tout âge, surtout chez l'adolescent et persiste toute la vie, évoluant par poussées de quelques semaines à quelques mois déclenchées par les facteurs environnementaux. La rémission peut survenir spontanément, sous l'action bénéfique du soleil ou des thérapeutiques. Il persiste cependant souvent des éléments au niveau des coudes et genoux permettant l'identification de la maladie.
    Les complications à redouter sont
    1-Les psoriasis graves (érythrodermique, pustuleux et arthropathique.)
    2-La surinfection bactérienne à Staphylocoque doré donnant des pustules.
    3-La surinfection mycosique à Candida albicans.
    4-L'eczématisation, donnant des vésicules prurigineuses nécessitant en cas de doute une enquête allergologique.

    Le pronostic, vital et fonctionnel, est exceptionnellement engagé, dans les formes graves. Cependant, le préjudice relationnel et esthétique sont au 1er plan du fait du caractère affichant des lésions et les conséquences psychologiques peuvent être importantes.


    VI- TRAITEMENT : Le traitement reste symptomatique et suspensif, non-curatif mais aboutissant au blanchiment des lésions.
    1. Supprimer les facteurs déclenchants. 
    2. Remplacer les médicaments responsables des poussées.
    3. Traiter rapidement les infections.
    4. Lutter contre les irritations cutanées.
    5. Préconiser la relaxation et les cures thermales. 

    Moyens thérapeutiques pour le traitement du psoriasis:

    Traitement local
    Traitement classique associant
    1) Décapage des squames par

    - Les kératolytiques, type Acide salicylique à 1 ou 5% dans un excipient gras (vaseline.) Il ne faut pas oublier le risque d'intoxication salicylée chez l'enfant.
    2) Traitement de l'état inflammatoire par les Réducteurs ou les Dermo-corticoïdes.
     
    Les réducteurs, type Goudrons et Anthraline, de moins en moins utilisés car responsables d'irritations et de pigmentation péri-lésionnelles. 
    Les Dermo-corticoïdes, en pommade, gel, lotion. La durée d'application doit être limitée et l'arrêt progressif pour éviter le phénomène de rebond et les effets secondaires locaux avec atrophie, vergetures, hypertrichose, folliculite, dermite péri-orale et rosacée du visage, troubles pigmentaires et systémiques, plus rares, surtout chez l'enfant. Il est donc indispensable de préciser à chaque consultation le nombre de topiques utilisés.
    Dérivés de la vitamine D, type Calcipotriol: Daivonex®, en pommade, crème, lotion, tendant à remplacer le traitement classique et constituant le traitement de 1e intention du psoriasis en plaque. Il est utilisé pendant 4 à 6 semaines en application biquotidienne. Eviter l'utilisation sur le visage et ne pas dépasser 100 g/smn pour limiter l'absorption transcutanée et les effets systémiques de la vitamine D.

    Rayons UV, où l'exposition solaire est toujours bénéfique, type 
    UVB, à dose sub-érythémateuse, 3 à 4 séances/smn, très efficace, utilisée seuls ou associée à un réducteur. 
    PUVAthérapie (UVA avec prise orale d'un Psoralène photosensibilisant 2 hrs avant irradiation), 3 séances/smn, entraîne le blanchiment des lésions en 4 smn. Les doses sont fonction du phototype.
    Ces traitements par rayonnement doivent être réalisés sous control médical strict.
    Les contre-indications sont: Cataracte, maladie auto-immune, nævus atypiques, antécédents de cancers cutanés.
    Le problème principal est le rôle carcinogène des UV, nécessitant le calcul de la dose cumulative pour ne pas dépasser 1500 Joules/cm2.


    Traitement général
    Les Rétinoïdes , type Acitrétine: Soriatane®, efficace sur le psoriasis pustuleux et aléatoire sur les autres formes.
    Les effets secondaires sont: sécheresse cutanéo-muqueuse, altération hépatique et lipidique, hyperostose et entésopathies et surtout tératogenèse, d'où nécessité de contraception chez la ♀ pendant la durée du traitement jusqu'à 2 ans après arrêt car d'élimination lente. Il nécessite un bilan pré-thérapeutique avec bilan hépatique et lipidique avec surveillance régulière.
    Il peut être associé aux UV; c'est la ré-PUVAthérapie.
    Le Méthotrexate, efficace sur les psoriasis sévères, surtout arthropathique, avec amélioration en quelques smn, avec
    administration hebdomadaire de 15 à 25 mg/smn. Il nécessite le calcul de la dose cumulative totale qui est hépatotoxique à
    1.50g. Il nécessite une surveillance pneumologique et hématologique.

    La Ciclosporine: Sandimmun®, efficace sur les psoriasis graves à 3 mg/kg/jr. Le problème majeur est la néphrotoxicité, impliquant une sélection rigoureuse des malades et une surveillance clinique et biologique. Il existe en outre un risque de développement d'un lymphome ou pseudo-lymphome. Les effets secondaires sont: hypertrichose, hypertrophie gingivale, gynécomastie et hyperséborrhée.


    Indications et schéma thérapeutique

    1-Psoriasis classique peu étendu:
    • Calcipotriol, ou 
    • Kératolytiques + Dermo-corticoïdes, 
    • ou Réducteurs.
       
    2-Psoriasis classique étendu:
    • PUVAthérapie, si échec:
    • Ré-PUVAthérapie ou 
    • Calci-PUVAthérapie ou
    • Méthotrexate ou
    • Ciclosporine. 

    3-Psoriasis érythrodermique:
    • Rétinoïdes ou 
    • Méthotrexate ou 
    • Ciclosporine ou
    • PUVAthérapie.

    4-Psoriasis pustuleux: 
    • Rétinoïdes, 0.5 à 1 mg/kg/jr

    5-Psoriasis arthropathique: 
    • Méthotrexate, 15 à 20 mg/smn, ou
    • Ciclosporine ou 
    • Rétinoïdes.

    6-Psoriasis palmo-plantaire invalidant:
    • Rétinoïdes + Kératolytique.

    7-Psoriasis en goutte chez l'enfant:
    • Antibiothérapie + Traitement local.

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