jeudi 6 janvier 2000

RECTO-COLITE ULCERO-HEMORRAGIQUE RCH

LA RECTO-COLITE ULCERO-HEMORRAGIQUE

I-DEFINITION : La définition donnée en 1935 par Ben Saude est toujours actuelle: La recto-colite ulcéro-hémorragique "RCUH" est une affection inflammatoire à long cours qui atteint le côlon en partie ou en totalité et qui prédomine à sa surface et à sa terminaison C'est une affection évoluant par poussées successives entrecoupées de périodes de rémission.

II-ANATOMIE PATHOLOGIQUE :

A. Macroscopie:

1. Aspect extérieur des lésions:

  • Raccourcissement global du colon avec diminution de son calibre, plus marquées à sa partie terminale.

  • L'atteinte de l'iléon n'est pas toujours constante. Cependant, dans les formes sévères aiguës, l'iléon est très dilaté.

2. Aspect intérieur des lésions: A l'ouverture du colon, voici ce qu'on retrouve

a. Topographie: ™ Un contenu intestinal qui apparaît fluide et hémorragique avec des modifications évidentes de la muqueuse. L'atteinte de la muqueuse est constante. ™ L'atteinte de la muqueuse rectale est aussi constante. Le rectum peut présenter un aspect sain ou apparemment

sain (lors des rémissions.) 
™ L'atteinte iléale s'observe dans 10% des cas.
™ L'appendice est atteint dans 60% des cas. 

b. Aspect des lésions:

  • La muqueuse présente un aspect anormal, rouge framboise ou rouge vineux. Son aspect est granuleux. Il s'agit d'une muqueuse fragile.

  • Ces modifications sont diffuses et témoignent d'une congestion intense avec œdème et hémorragie.

  • Les ulcérations sont nombreuses et superficielles mais parfois profondes.

  • Microscopie: L'étude au microscope électronique a révélé

  • L'existence d'une vasodilatation intense avec suffusions hémorragiques.

  • Le chorion est le siège d'un œdème avec infiltration cellulaire dense faite de Lymphocytes, de Plasmocytes et de Polynucléaires éosinophiles.

  • Les glandes sont remaniées avec 2 images évocatrices

- Abcès intra-cryptiques. -Image de différentiation.

  • La sous-muqueuse est le siège d'œdème, d'hémorragie et de congestion.

  • Les couches musculaires sont respectées.

  • La sous-séreuse est hypervascularisée.

  • Les éléments nerveux sont atteints dans les formes prolongées.

C. Variétés évolutives:

  1. La forme aiguë et suraiguë: L'atteinte intéresse toutes les tuniques. Il y a ulcération massive et décollement 
    muqueux. Les fibres musculaires sont mises à nu et dissociées par l'œdème. Elle peut aboutir à la perforation. 

  2. La forme quiescente: L'aspect est polymorphe et cicatriciel réalisant soit une muqueuse plate, sans souplesse et sans relief, soit un aspect de pseudo-polypes.

D. La biopsie rectale: Son intérêt est diagnostic et évolutif. On décrit 3 aspects

  • Rectite œdémateuse et hémorragique.

  • Rectite subaiguë interstitielle et épithéliale.

  • Rectite purulente avec micro-abcès.

III-EPIDEMIOLOGIE : L'incidence de la maladie serait de 3 à 10 et la prévalence de 40 à 120 pour 100.000 habitants. La RCUH est plus fréquente dans les pays industrialisés occidentaux et surtout chez les individus de race blanche avec un haut niveau socio-économique. Elle est plus fréquente chez la femme et il semble y avoir une hérédité de prédisposition de type polygénique liée au sexe.

IV-ETIOPATHOGENIE :

  • Théorie infectieuse: On accuse des virus et des parasites mais aucun d'entre eux n'a prouvé sa responsabilité.

  • Théorie enzymatique: Le rôle des Lysozymes est définitivement écarté.

  • Théorie allergique: Repose sur des arguments cliniques, histologique, biochimiques et expérimentaux

  • Arguments cliniques: Certaines manifestations allergiques à type d'asthme, d'eczéma, de rhinite allergique et d'urticaire sont fréquemment retrouvées chez les malades atteints de RCUH.

  • Arguments histologiques: L'existence d'un exsudat inflammatoire riche en PN éosinophiles au niveau de la paroi colique est compatible avec un processus inflammatoire.

  • Arguments biochimiques: Par l'existence d'une augmentation du contenu de la muqueuse rectale en Histamine.

  • Arguments expérimentaux: Il est possible de reproduire chez l'animal des colites d'hypersensibilisation.

  • Perturbations immunologiques: Au-cours de la RCUH, certaines manifestations articulaires, oculaires, cutanées et biologiques (anémie hémolytique) évoquent des perturbations immunitaires.

  • Facteurs psychiques: Le rôle du psychisme a donné lieu à des controverses. Pour certains auteurs, il existe 
    formellement un terrain psychosomatique préexistant dans la RCUH. 

  • Facteurs neuromusculaires et vasculaires: Il est possible d'obtenir chez le chien des colites expérimentales par administration d'Acetyl choline ou de Néostigmine.

  • Théorie vasculaire: Semble insuffisante pour expliquer à elle seule la pathogénie des lésions.

V-DIAGNOSTIC CLINIQUE : Le début de la maladie est variable. Le plus souvent, il est brutal mais l'interrogatoire doit rechercher les circonstances déclenchantes à savoir un épisode infectieux respiratoire, une virose, une antibiothérapie ainsi qu'un choc affectif.

Signes fonctionnels

1. Hémorragie digestive basse, signe essentiel

  • Emission rectale de sang pur ou muco-hémorragique voir hémo-purulent.

  • Elle ne s'accompagne ni de douleur, ni de ténesme, ni d'épreinte.

2. Troubles du transit, diarrhées ou constipation. Les selles sont parfois mélangées avec du sang ou du pus.

Signes généraux, l'état général est peu ou pas atteint. 1-L'asthénie est modérée. 2-Le décalage thermique est de 38°

La présence de douleur, de ténesme, d'AEG et de fièvre à 39-40° sont tous des éléments de gravité. Examen physique, trop pauvre mis à part que le TR ramène du sang.

VI-DIAGNOSTIC PARACLINIQUE :

Imagerie

A. Recto-sigmoïdoscopie "RSS": Examen fondamental. Elle apporte des éléments essentiels au diagnostic. Elle montre

  1. Une atteinte diffuse du rectum, sans aucune zone saine. Le caractère hémorragique de la muqueuse fait toujours suspecter une RCUH. D'autres aspects peuvent se rencontrer

  2. Un enduit purulent blanc jaunâtre parfois sanglant.

  3. Pseudo-polype.

  4. Ulcération profonde.

B. Colonoscopie: Contre-indiquée dans les formes sévères du fait du risque de perforation. Elle a un triple intérêt 
1-Elle peut être couplée aux biopsies étagées. 
2-Elle montre l'extension des lésions. 
3-Elle détecte la dégénérescence d'une RCUH. 
4-Elle renseigne sur le diagnostic de colite segmentaire. 

C. ASP: Souvent négligé. En dehors de la colectasie aiguë, il peut dessiner un aspect tubulaire, une perte des 
haustrations et un raccourcissement global du côlon. 

D. Lavement baryté: Peut montrer

1. Des anomalies du tonus à type de

  1. oAlternance de spasmes et de dilatations.

  2. o Hypotonie.

2. Des anomalies de longueur et de calibre à type de

  1. o Raccourcissement.

  2. o Microcolie.

  3. oFaible contenu colique.

3. Des anomalies de segmentation haustrale à type de

  1. o Asymétrie.

  2. o Disparition complète.

4. Des anomalies des marges à type de

oSpicule, traduisant une ulcération en bouton de chemise à double contour et d'aspect déchiqueté.

5. Des anomalies inter-marginales à type de

  1. o Plissement longitudinal.

  2. oUlcération longitudinale ou lacunes. 
    Les critères de mauvais pronostic sont les anomalies marginales, l'hypotonie et la présence de lacunes. 

  3. Artériographie: N'a pas d'indication visuelle.

VII-EVOLUTION :

A. RCUH subaiguë cyclique: Aux symptômes de la phase initiale, survient après 2 à 4 semaines une rémission complète. L'évolution ultérieure est faite de rechutes rythmées par des épisodes infectieux (bactérien et viral.) Le retentissement général dépend de la fréquence des poussées et des épisodes de rémission. L'évolution est bénigne.

B. RCUH subaiguë chronique: Elle se manifeste par une évolution sans rémission complète, sur plusieurs mois ou 
années avec modification des signes fonctionnels et généraux. 

C. RCUH aiguë: Véritable forme fulminante, le tableau clinique est caractérisé par des signes fonctionnels intenses avec douleur abdominale, ténesme, épreinte, rectorragie, selle nombreuse, abondante, fluide, afécale, diurne comme nocturne, muco-purulente, hémorragique ou glaireuse. L'état général est complètement altéré avec fièvre très élevée, asthénie extrême, déséquilibre hydro-électrolytique, hypoalbuminémie sévère, hyperleucocytose et anémie. L'évolution est très grave, le plus souvent l'indication est chirurgicale.

VIII-COMPLICATIONS :

A. Locales:

  • Perforation colique: Complication redoutable avec une lourde mortalité. La fréquence des perforations varie entre 2 et 8%. Le risque de perforation parait élevé dans les formes aiguës (muqueuse fragile) Elle peuvent être uniques ou multiples, touchent surtout le sigmoïde et le côlon transverse. L'interrogatoire ramène toujours la notion de prise de corticothérapie. Au-cours de la perforation, le diagnostic est en effet très difficile car on est le plus souvent devant un tableau de péritonite asthénique qui représente une urgence chirurgicale. S'il y a un pneumopéritoine, le diagnostic est facile mais si la perforation est bouchée…

  • Colectasie aiguë: Elle est de connaissance relativement récente.

  • Hypokaliémie et troubles métaboliques: Semblent plutôt être des conséquences que des causes.

  • Mégacôlon toxique: C'est la forme la plus grave de la perforation, de très mauvais pronostic. Certains facteurs peuvent jouer un rôle favorisant, il en est ainsi pour les drogues anticholinergiques et les neuroleptiques. Certains auteurs évoquent un obstacle musculaire ou une brusque chute du tonus ou une contracture musculaire. Dans cette forme, la muqueuse (paroi colique) est très fragile, la colectasie est instable et survient juste avant la perforation. La paroi se déchire sous le doigt. La symptomatologie est bruyante avec AEG, signes de choc septique avec une défense abdominale associée. La radiologie d'ASP représente un élément fiable et fidèle au diagnostic, elle montre éventuellement la colectasie (dilatation colique gazeuse totale.)

  • Hémorragie massive (1 à 4% des cas.)

  • Complications ano-rectales: Fissure anale, moins fréquente que dans la maladie de Crohn.

  • Cancer et RCUH: Le cancer survient dans les formes évoluant depuis plus de 10 ans. Dans cette circonstance, 3 à 9% des RCUH cancérisent. Le risque de voir survenir un cancer au-cours d'une RCUH est augmenté en fonction de la durée de l'évolution et de l'extension de la maladie.

B. Générales:

  • Perturbations hématologiques: A type d'anémie hémolytique hypochrome hyposidéropénique, accidents thromboemboliques, troubles de l'hémostase avec déficit en facteurs V, X et en Vit K, trouble de la fonction plaquettaire.

  • Perturbations hydro-électrolytiques avec hypoalbuminémie et augmentation des αet αglobulines.

  • Atteinte hépatique avec stéatose, péri-cholangite, cholangite sclérosante et cancer des voies biliaires.

  • Lésions articulaires.

  • Lésions cutanées à type d'érythème noueux, duodéma, lésions papulo-nécrotiques, plaques érythémato-ulcéreuses, ulcère massif des jambes et pyodermite végétante.

  • Lésions buccales à type de stomite aphteuse et d'ulcération douloureuse de la langue.

  • Lésions oculaires à type d'uvéite.

  • Amylose polyviscérale.

IX- FORMES CLINIQUES SELON LE TERRAIN :

A. RCUH et grossesse.

B. RCUH de l'enfant (8 à 12 ans): Avec douleur abdominale diffuse avec incontinence sphinctérienne nocturne et 
manifestations articulaires importantes. Le retentissement staturo-pondéral et le risque de cancer chez l'enfant sont plus 
important var l'évolution est longue. 

C. RCUH du sujet âgé (plus de 60 ans) avec des formes basses et hautes (10% de décès.)

X-PRONOSTIC : 3 éléments essentiels paraissent régler le pronostic de la 1ere poussée à cours terme

  1. L'extension.

  2. L'extension des lésions coliques.

  3. L'age de la maladie, chez l'enfant et le vieillard.

XI-TRAITEMENT :

A. Traitement médical: ¾ Mesures hygiéno-diététiques avec recours à la psychothérapie et à la prescription de sédatifs. ¾ Médicaments symptomatiques contre la diarrhée et la surinfection mycosique à type de Diarsete et Fungizone. ¾ Médicaments substitutifs contre les déficits, Vit A, B, C, D, K et B12 ou Acide folique. ¾ Salazopyrine pour le traitement des poussées, à 4-6 g/jr répartis en 2 ou 3 prises. ¾ Corticothérapie, demeure empirique et son mécanisme d'action inconnu si ce n'est la réduction de la composante

vasculaire de l'inflammation. Ses doses doivent être réduites progressivement en 4 à 8 semaines jusqu'à la dose min pour contrôler éventuellement la maladie. ¾ Immunosuppresseurs, à type d'Immurel, à 2-5 mg/kg/jr. Même si la tolérance est bonne, il ne faut pas sous-estimer les effets secondaires.

B. Traitement chirurgical (radical)
¾ Procto-colectomie totale avec anastomose iléo-anale basse. 
¾ Colo-proctectomie totale. 

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