C.A.T DEVANT UNE INGESTION DE CAUSTIQUES
I-GENERALITES : Les lésions caustiques de l'œsophage sont causées par des brûlures survenant après ingestion accidentelle ou volontaire de produits caustiques liquides ou plus rarement solides. En fait, en plus de l'œsophage, les autres organes du tube digestif supérieur peuvent être atteints (estomac, duodénum et grêle proximal.) Dans la majorité des cas, les lésions sont bénignes. Sinon, des complications surviennent soit dans l'immédiat, mettant en cause le pronostic vital, soit tardivement avec installation d'une sténose de l'œsophage ou de l'estomac. Il s'agit d'une urgence médico-chirurgicale, au point de vue diagnostic et thérapeutique.
II-ETIOLOGIES :
A. CIRCONSTANCES DEDECOUVERTE:Il s'agit d'un accident relativement fréquent dont moins de 10% sont hospitalisés.
- La plupart des ingestions, et à fortiori celle qui provoque les brûlures les plus graves ont lieu dans un but suicidaire.
- Chez l'enfant, il s'agit le plus souvent d'une ingestion accidentelle survenant en moyenne entre 1 et 3 ans.
B. PRODUITSCAUSTIQUES:
- Acides (ph inf à 1): Ils entraînent une nécrose de coagulation de la paroi du tractus digestif. Les brûlures sont généralement œso-gastriques prédominant sur l'estomac. La concentration d'acide varie selon les formes commerciales de produits. Les formes les plus concentrées ont une causticité analogue à celle des bases fortes.
- Ex: Acide chlorhydrique, Acide sulfurique (acide de batterie), Acide nitrique (détergents WC), Rubigine (antirouille), etc.
- Bases (pH sup à 14): Elles entraînent une nécrose liquéfiante avec saponification des lipides et des protéines de la paroi, majorant ainsi la diffusion en profondeur. Elles ont un tropisme oro-pharyngo-œsophagien du fait de leur viscosité et leur disponibilité avec nécrose œso-gastrique. Elles sont les plus dangereuses et sont la cause majeure des décès.
- Ex: Destop (soude + agent mouillant), Soude caustique (poudre), Potasse, Alcali (ammoniaque), etc.
- Eau de javel: Lors de l'ingestion de forme concentrée, les lésions sont surtout gastriques pouvant se révéler après intervalle libre de 24H. En l'absence d'exérèse gastrique, la survenue d'une fistule gastro-colique n'est pas rare.
- Autres: Ces produits sont moins fréquemment en cause mais ont une toxicité particulière dont la causticité peut être longtemps évolutive, imposant des contrôles endoscopiques répétés.
Ex: Formol, Amoniac. La Potasse et le Permanganate de potassium ont un tropisme gastrique et leur exérèse se fait par endoscopie.
III-ANATOMIE PATHOLOGIQUE : A-Au niveau du tube digestif, les brûlures peuvent être de différents types
- Brûlure simple avec abrasion muqueuse, œdème, ulcération et nécrose.
- Brûlure profonde, la cicatrisation se fait par du tissu conjonctif néoformé, qui remplace la nécrose. Cette cicatrisation sert de support à la réépithélisation endoluminale qui dure plusieurs semaines. La rétraction inextensible de ce tissu entraîne des séquelles graves sous forme de sténose. Cette fibrose dure jusqu'à 3 mois, voir au-delà.
B-Au niveau de l'arbre trachéo-bronchique, ces lésions se produisent dans les cas graves et sont dues
- A l'inhalation lors de l'ingestion, de vomissement ou lors de la mise en place d'une sonde gastrique.
- A la propagation de la médiastinite.
Plusieurs complications peuvent survenir - Pneumopathie d'inhalation avec œdème lésionnel.
- Perforation par destruction du carrefour laryngo-pharyngé avec œdème de l'épiglotte, ou par lésion de la trachée.
- Fistule trachéo-œsophagienne ou broncho-œsophagienne.
IV-PHYSIOPATHOLOGIE : Les conséquences des brûlures caustiques du tube digestif dépendent de la gravité des lésions
A-ETAT DE CHOC: Lors des brûlures graves. Sa composante essentielle est l'hypovolémie, causée par une fuite plasmatique considérable avec formation d'un 3eme secteur. Le choc est aggravé par les troubles hydro-électrolytiques et les hémorragies de grande abondance.
B-TROUBLES DE L'EQUILIBRE ACIDO-BASIQUE: Tel l'acidose.
C-TROUBLE DE L'HEMOSTASE: C'est la conséquence du syndrome de consommation des facteurs de coagulation et de la
diminution du TP ainsi que du facteur X, Fibrinogène et plaquettes.
D-TROUBLES RESPIRATOIRES: Peuvent aller jusqu'à la détresse respiratoire.
V-CLINIQUE :
A. 1ERBILAN: Il s'agit d'un sujet ayant ingéré un produit caustique, présentant un tableau dramatique. Le diagnostic est évident devant un patient agité, présentant nausées/vomissements, bouche brûlée et sanguinolente et
parfois brûlures cutanées (manipulation) Douleur rétro-sternale et épigastrique intense, dysphagie absolue.
Il faut noter l'absence de parallélisme entre les lésions de la bouche et celle du tube digestif.
En 1er lieu
™ Eviter l'absorption de médicaments, de lait, etc.
™ Proscrire toutes manœuvres intempestives servant à provoquer des vomissements.
™ Recueillir le max d'informations sur la nature du produit ingéré.
™ Eviter le décubitus (exagère le risque de vomissement et d'inhalation.)
™ Conduire le patient dans une unité spécialisée.
Gestes d'urgence
¾ Nettoyer la bouche avec des compresses sèches.
¾ Mettre en place une voie veineuse périphérique et éviter le cathéter sous-clavier et jugulaire gauche pouvant gêner une cervicotomie en urgence. ¾ Corriger l'hypovolémie. En milieu spécialisé (réanimation, chirurgie viscérale) le 1er geste est l'analyse endoscopique.
B. L'ENDOSCOPIE DIGESTIVE: Conditionne le pronostic et la thérapeutique. Elle est systématique quelle que soit la gravité
supposée de la lésion. La perforation digestive endoscopique est exceptionnelle, le risque augmente après 48H.
C. L'EVOLUTION:
1-Stade I: Pétéchie ou érythème.
2-Stade IIa: Ulcération linéaire ou ronde. 3-Stade IIb: Ulcération circulaire ou confluente.
4-Stade IIIa: Nécrose localisée. 5-Stade IIIb: Nécrose étendue.
6-Stade IV: Perforation.
Les brûlures du stade I évoluent favorablement sans séquelles.
Parfois, il y a association +/- grave à l'endoscopie dite en mosaïque (stade II et III)
Les brûlures du stade III peuvent présenter de nombreuses complications (perforation de la trachée, péritonite
caustique, etc.) Généralement mortelles. Les complications secondaires peuvent survenir dans les 3 premières semaines et intéressent l'estomac à type de
- Hémorragie de petite abondance avec anémie au 10eme jour.
- Perforation bouchée avec abcès sous-phrénique.
- Sténose de l'œsophage, de l'estomac ou des 2 avant la fin du 3ememois, diagnostiquée après endoscopie et transit baryté.
VI- TRAITEMENT :
A. TRAITEMENT MEDICAL:
™ Pour les cas bénins, surveillance pendant 24H.
™ Pour les cas les plus graves, le but est la mise au repos jusqu'à cicatrisation totale du tube digestif.
- Eviter l'administration d'antidotes.
- Eviter de faire vomir le malade.
- Eviter le décubitus.
- Eviter la mise en place d'une sonde gastrique.
- Corriger l'état de choc et la détresse respiratoire avec ¾ Une voie veineuse périphérique avec PVC. ¾ Une perfusion de macromolécules, sinon de plasma, sinon transfusion (état de choc.) ¾ Une perfusion en IV rapide d'Hémisuccinate d'Hydrocortisone "HHC" en cas d'obstruction du carrefour pharyngo
- laryngé par un œdème (détresse respiratoire.)
¾ Intubation trachéale voire trachéotomie si nécessaire.
¾ Surveillance hémodynamique (TA, PVC, pouls, diurèse.) - Contre-indiquer l'administration de corticoïdes, sauf en cas d'œdème laryngé.
- Administrer une antibiothérapie de couverture (Pénicilline au début puis éventuellement réadaptée.)
- Administrer une alimentation artificielle dans les jours suivants, permettant la mise au repos totale du tractus digestif supérieur jusqu'à cicatrisation des lésions. Soit par voie parentérale (SG Hypertonique, intralipides, etc.) ou Entérale par jéjunostomie.
- TRAITEMENT CHIRURGICAL: Comprends 3 étapes Traitement d'urgence, prévient la perforation et la diffusion de la nécrose. ¾ Œsophagectomie sans ouverture du thorax ou Stripping. Avec ou sans gastrectomie totale. L'extrémité proximale de l'œsophage cervical est placée en œsophagostomie.
¾ Le rétablissement de la continuité digestive sera réalisé 3 mois plus tard.
Traitement Secondaire Des complications qui peuvent survenir dans les semaines qui suivent à type de perforation
gastrique secondaire, d'hémorragie, d'abcès sous-phrénique par perforation cloisonnée ou de fistule gastro-colique.
Traitement des séquelles, Apres 3 mois, essentiellement la sténose
¾ En cas de sténose de l'œsophage, œsophagoplastie colique (transplant colique.) L'œsophage sténosé est laissé en
place.
¾ En cas de sténose gastrique, gastrectomie, antrectomie et anastomose gastro-jéjunale sur anse en Y.
¾ Chez le malade ayant subit en urgence une œsophagectomie en fossette, on procède après 3 mois au
rétablissement de la continuité digestive par œsophagoplastie colique.
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